En ce moment Il ne se passe pas une journée sans qu’un de mes amis ne me raconte le pitch d’une série phare sur Netflix. Je reste cependant dubitatif moi qui suis plus proche du cinéma indépendant que du blockbuster, il y a peu de contenus qui me passionnent. Pourtant je comprends leur attachement et leur implication devant cette vitrine vertigineuse où les algorithmes sont rois. Moyennant presque 9 euros, vous avez accès à une offre étendue, variée et sans publicité. Mais l’ogre Netflix ne peut pas se contenter de constater la chute des abonnements sans réagir. Il lui faut recruter davantage et trouver de nouveaux relais de croissance. Dans sa ligne de mire, la publicité et la volonté de bousculer un milieu hostile aux changements. Les agences médias mainstream continuent de contrôler les investissements de leurs clients, la plupart du temps riches.
Depuis la rentrée, chez Netflix, c’est une opération séduction dirigée vers les agences médias et les annonceurs. L’objectif est clair : les inciter et les convaincre d’investir sur le plus grand média du monde. Il faut dire que la plateforme aux 223 millions d’abonnés conserve la soif de l’or. Des insertions publicitaires survalorisées et surtout avec peu d’abonnés au démarrage. Il fallait oser. C’est environ 3 fois le prix des offres publicitaires digitales comparables des autres régies TV. Quand on pense que les annonceurs rechignent à accepter une inflation de 5%, on pensait que Netflix avec des offres exagérées ferait un bide. Et pourtant la liste des annonceurs présents au démarrage est longue. Des marques de luxe comme Guerlain, Dior ou des institutionnels comme BNP Paribas et Crédit Agricole sans oublier McDonald’s et Burger King. Toutes ces marques et bien d’autres ont accepté d’être des pionniers… ou plutôt d’essuyer les plâtres.
Avec un budget souhaité de 25 000 euros par annonceur, la plateforme a eu visiblement les yeux plus gros que le ventre. Netflix, avec une poignée d’abonnés dans son offre « essentiel avec pub », ne peut satisfaire environ qu’un quart de la demande. D’ailleurs, personne ne peut vérifier le respect des 5 minutes de publicité par heure ni le contrôle des diffusions et encore moins l’inventaire disponible. C’est un mauvais signal envoyé au marché publicitaire pour une entreprise qui ambitionne de réaliser 600 millions de CA en 2023.
Netflix, comme les autres plateformes, profite du manque d’audace des chaînes premium. Ces dernières n’ont aucun plan stratégique prévu à long terme. L’information n’est plus qu’un flux continu sans consistance avec des sujets communs à toutes les chaines. Les enquêtes d’investigation ont disparu des radars laissant place à de l’information people ou à des reportages de société voyeuristes et souvent effrayants.
Et quand le service public tente de faire du reportage d’investigation, les images sont le plus souvent en connivence avec l’état tout puissant. Depuis la fin de la suppression de la redevance, l’exécutif, qui tient désormais les cordons de la bourse, met la pression pour donner le ton à la ligne éditoriale. Pour obtenir des moyens suffisants, il faudra accepter de faire quelques concessions et de s’asseoir sur une notion qui s’appelle l’indépendance.
Toutes les chaînes mènent aujourd’hui la même politique industrielle pour produire ou acheter des marques programmes à bas coût. Les projets d’investissements sont limités. Les chaînes cherchent à réaliser le maximum de cases profits. Le syndrome du strip-tease de la ménagère n’est pas encore envisagé et pourtant tout est permis pour fédérer et faire du buzz. Messieurs les programmateurs, allez au bout de vos idées, donnez-vous les moyens de surprendre, soyez audacieux et bousculez les règles. Si vous voulez faire de la téléréalité, produisez-la sans script avec vérité et acceptez les dérapages.
Et pourtant de l’audace, certains animateurs producteurs en ont. Alain Chabat a testé pendant 10 jours Un Late Show revisité sur TF1 avec un zest d’inspiration des « Les Nuls ». Propulsée par le bassin d’audience du Mondial de football, l’émission trouve son public. Le Late enregistre en moyenne en première semaine 1 400 000 individus de + 25 ans. C’est un bon score d’audience réalisé certes tardivement entre 23 heures et minuit. Comme quoi, quand il y a du travail de l’initiative et de la créativité, le succès suit.